
Vous rencontrez une problématique avec votre chien et vous ou votre éducateur souhaitez mettre en place une rééducation à travers un protocole de « Modification Comportementale ». Dans cet article, nous verrons ensemble à qui s’adresse une rééducation, comment la mettre en place de manière efficace, et quels sont les pronostiques concernant les changements durables dans le comportement de votre chien.
- Qu’est-ce qu’une modification comportementale ?
Commençons par définir ce qu’est une rééducation comportementale, plus précisément appelée « modification comportementale ».
Une modification comportementale comprend tout processus visant à modifier un comportement déjà présent (acquis ou inné) chez l’individu. Autrement dit, lorsque l’on parle de modification comportementale, on ne part pas d’une page blanche, mais plutôt d’une page où sont déjà écrites quelques lignes (dans le meilleur des cas si le comportement est peu ancré), voire d’une page déjà bien couverte d’inscriptions qui représentent toutes les fois où l’individu s’est déjà renforcé dans ce comportement qui est à présent bien ancré. Dans les deux cas, nous allons devoir tenter de recouvrir les apprentissages déjà existants par de nouveaux apprentissages (comme si on réécrivait par-dessus), mais dans le deuxième cas, où l’individu s’est déjà bien renforcé, il faudra probablement plus de temps et plus de travail pour recouvrir tout ce qui a déjà été écrit sur la page. A savoir que ce qui a été écrit avant le processus de modification comportementale ne disparaîtra jamais vraiment du répertoire comportemental (le « dictionnaire ») du chien, mais qu’il sera recouvert par d’autres mots (d’autres stratégies) plus profitables pour lui car elles ont été suffisamment renforcées.
Voici une autre image permettant de visualiser ce qu’il se trame dans le cerveau du chien pendant un processus de modification comportementale : avant le début de la prise en charge, le chien connaît un seul chemin pour résoudre une situation qui lui génère du stress. Ce chemin, à force d’être emprunté, s’élargit au fur-et-à-mesure jusqu’à devenir une autoroute. Ce chemin devient donc la solution toute trouvée, parfois réflexe d’un point de vue cognitif : lorsque le chien est confronté à la situation, il va parfois systématiquement et de plus en plus vite emprunter cette route (cette réaction, ce comportement), sans même analyser la situation et voir s’il en existe d’autre. Avec la modification comportementale, nous allons essayer différentes stratégies pour créer, avec l’aide du chien, un nouveau chemin pour s’extraire de cette situation, comme par exemple s’ouvrir à d’autres sorties (des itinéraires bis). Au fur-et-à-mesure de la modification comportementale, ce ou ces nouveaux itinéraires vont s’élargir de plus en plus, et seront de plus en plus empruntés par le chien de manière autonome puisqu’il lui apporteront également satisfaction et souvent moins de stress. L’ancienne autoroute ne sera jamais totalement détruite, mais progressivement laissée à l’abandon par le chien qui préfèrera la ou les nouvelles routes.
2. Pourquoi mener une modification comportementale ?
Souvent, les propriétaires réagissent et consultent un éducateur lorsque le comportement est déjà installé et devient indésirable car il cause du stress au chien et/ou au propriétaire qui est gêné par le comportement (même si celui-ci n’est pas forcément désagréable pour le chien). Il peut y avoir de nombreux motifs de consultation qui peuvent amener à un processus de modification comportementale : un chien qui aboie dans le jardin quand quelqu’un passe, qui grogne quand on s’approche de sa gamelle ou de ses affaires, qui ne veut pas monter dans la voiture, qui aboie ou charge à chaque fois qu’il voit un autre chien, qui court derrière les voitures, qui fuit les inconnus, etc.
La modification comportementale a pour objectif d’aider le chien à se sentir plus en confiance dans la situation problématique (changer son état émotionnel dans la situation) et à adopter une stratégie comportementale plus préférable (changer le comportement pour un autre, moins indésirable) pour lui comme pour son propriétaire. A terme, le chien se sent mieux dans la situation, a de nouveaux outils pour gérer lorsqu’il se sent dépassé, l’humain comprend mieux son chien et ses motivations, et ainsi le conflit diminue au sein du binôme.
Il est préférable de consulter un éducateur canin spécialisé en Comportement dès lors que le comportement indésirable apparaît, car cela laisse moins de temps au comportement pour se renforcer et s’ancrer, et il sera ainsi généralement plus facile de le modifier. De plus, faire rapidement appel à un professionnel formé évitera de nombreuses erreurs que vous pourriez commettre en essayant de modifier le comportement de vous-même. En effet, si l’on ne maîtrise pas les lois de l’apprentissage, il est très facile d’empirer la situation en renforçant une association négative.
3. A qui s’adresse un protocole de modification comportementale ?
Comme nous l’avons vu précédemment, entamer un processus de modification comportementale est souvent prenant. Il n’y a malheureusement pas de méthode « baguette magique » qui respecte l’émotionnel du chien, c’est pourquoi il faut s’attendre à ce que le processus prenne plusieurs semaines pour les problématiques les plus simples, et parfois plusieurs mois voire années selon les cas. Dans certaines situations, la modification comportementale dure toute la vie du chien ; le binôme continue d’évoluer et de progresser tout au long de la vie du chien. C’est aussi pour cela que la question des ressources dont dispose le binôme est importante ; pour pouvoir mener à bien un protocole de modification comportementale, l’humain doit être disponible physiquement mais aussi émotionnellement, ainsi que financièrement pour pouvoir continuer de se faire suivre par un professionnel qui saura l’aiguiller tout au long du processus.
4. Comment mettre en place un protocole de manière efficace ?
Avec votre éducateur spécialisé en Comportement, vous établissez ensemble un protocole de modification comportementale adapté à la problématique et à votre binôme. Dans ce protocole devront être pris en compte :
- Les besoins de chacun : les besoins de votre chien et les vôtres, dans la mesure du possible, devront être respectés afin de garder un état de bien-être et une motivation des deux côtés, permettant les nouveaux apprentissages.
- Les objectifs : vous devez définir clairement des objectifs qui semblent atteignables et mesurables dans le temps, par exemple grâce à un tableau de suivi.
- La zone de confort du chien : la zone de confort du chien peut être représentée par 3 couleurs ; vert pour le confort (le chien est détendu), orange pour la vigilance (le chien commence à se poser des questions mais peut encore apprendre), et rouge pour la zone de danger (le chien se sent en danger, ne peut plus apprendre). La zone dans laquelle le chien se trouve dépend de la situation et de la distance avec le déclencheur, il n’y a pas de règle. Lorsque l’on souhaite modifier un comportement en respectant l’émotionnel du chien, on essaie de rester au maximum dans la zone verte-orange pour permettre au chien d’apprendre le nouveau comportement que l’on attend de lui. Des exercices spécifiques devront être réalisés dans cette zone verte-orange. A l’inverse, en cas d’urgence et lorsque le chien est dans la zone rouge, des solutions d’urgence pourront vous être proposées pour éviter que le chien ne « déclenche », mais ces solutions ne sont pas magiques puisque le chien n’est plus capable se gérer émotionnellement. Parfois, selon les situations, il peut être nécessaire de commencer le processus de modification comportementale à plusieurs centaines de mètres pour respecter la zone verte-orange du chien. Cette distance a pour but de se réduire avec le temps et les apprentissages.
- Le quotidien du binôme : une phase d’aménagement de l’environnement voire d’exclusion est parfois nécessaire pour pouvoir mettre en place une modification comportementale efficace et éviter au maximum au chien d’emprunter la « mauvaise route » et continuer de se renforcer dans le comportement indésirable. Cela peut avoir un impact plus ou moins important sur votre quotidien. Par exemple, on peut vous demander de ne plus promener votre chien dans des lieux où vous pourriez croiser d’autres chiens pour commencer, de le garder systématiquement en laisse, ou encore de ne plus laisser votre chien seul à la maison pendant la période de modification comportementale en cas d’anxiété de séparation, par exemple. Cela peut sembler contre-productif, et pourtant parfois cette période est nécessaire pour laisser à l’émotionnel de votre chien le temps de s’apaiser avant d’être capable de nouveaux apprentissages et de réintroduire progressivement ces situations.
- Ce que le chien aime : pour que le chien soit motivé à travailler et à apprendre de nouveaux comportements, il faut qu’il soit disponible émotionnellement (en respectant sa zone de confort comme vu précédemment), mais aussi qu’il soit motivé par ce qu’on lui propose de gagner en échange de sa collaboration. Pour cela, il est important de tester différents types de renforçateurs comme de la nourriture de haute valeur, du jeu si le chien apprécie, ou encore des interactions avec l’humain si et seulement si cela a de la valeur pour lui à cet instant précis.
- Les ressources dont vous disposez : entamer un protocole de modification comportemental est un processus qui peut être prenant, il est donc nécessaire que le binôme dispose des ressources nécessaires (physiques, émotionnelles et financières) pour pouvoir poursuivre le protocole.
- En l’absence de progrès après quelques semaines, la situation doit être réévaluée et ne pas restée figée.
- Parfois, l’éducateur peut vous proposer de vous faire accompagner par d’autres professionnels, pour votre chien (promeneur, vétérinaire comportementaliste, etc) et pour vous (notamment pour la prise en charge pour le stress avec l’aide d’un-e sophrologue, psychologue etc.). Ensemble, l’humain et le chien forment un système, c’est pourquoi une prise en charge holistique est souvent plus efficace.
- Ce qu’il faut comprendre et garder en tête, c’est qu’à chaque fois que votre chien est confronté à la situation qui le déclenche et qu’il adopte le comportement indésirable, alors il continue de se renforcer (en empruntant la mauvaise route). L’aménagement de l’environnement et du quotidien permettront de limiter ces situations, en « barrant » temporairement la mauvaise route. Globalement, on souhaite que le chien soit au maximum en réussite tout au long du processus de modification comportementale, de l’ordre de 80% si possible. Par exemple, dans le cas d’un chien réactif aux autres chiens, grâce aux aménagements (adapter les heures de sorties, respecter la distance nécessaire pour rester en zone verte-orange, mettre en place les outils et exercices), on aimerait que 80% au moins des croisements ou rencontres se passent de manière positive pour le chien, et qu’il ait été capable d’être suffisamment disponible émotionnellement pour mettre en place les exercices (et ainsi lui apprendre à emprunter le nouvel itinéraire). Si l’on ne tend pas progressivement vers ce taux de réussite, c’est qu’il faut revoir le protocole pour mettre d’avantage le chien en réussite. Si l’on est à 50/50, alors le processus stagne et ne progresse pas, voire le chien continue de se sensibiliser selon son tempérament. Si la balance est inversée, par exemple si le chien déclenche dans 70% des cas lors des rencontres, alors il continue de se sensibiliser (ce qui va à l’encontre de ce que l’on souhaite pour le processus de modification comportementale).
5. Quels sont les pronostiques ?
Nous voilà à la question qui fâche. En fait, il n’y a pas de réponse exacte à la question, car cela dépend de plusieurs facteurs, parfois connus et parfois inconnus, comme par exemple :
- Le tempérament du chien (notamment sa réponse face au danger) et son impulsivité.
- La résilience du chien et sa capacité d’adaptation.
- La régularité des exercices et la motivation de l’humain.
- La motivation du chien.
- Le taux de réussite dans les exercices VS. le taux d’échecs.
- L’autonomie donnée au chien pendant les exercices : plus le chien devient autonome dans les exercices, plus le nouvel apprentissage sera auto-induit (donc sans la demande de l’humain) et généralisé, c’est-à-dire qu’il sera capable de se comporter de cette manière de façon naturelle et sans l’intervention de l’humain.
Globalement, la modification comportementale est efficace et permet dans tous les cas d’améliorer la situation grâce à une meilleure compréhension de l’humain vis-à-vis des motivations et comportements de son chien, et au chien de mieux gérer la situation problématique du moment que l’on respecte sa zone de confort. Il est cependant difficile de prévoir à l’avance à quel point la zone de confort du chien va s’agrandir (et donc la distance de déclenchement diminuer) et s’il sera possible ou non d’aller jusqu’au contact (en cas de réactivité, par exemple). Comme expliqué précédemment, l’ancienne route ne disparaît jamais vraiment et la nouvelle déviation est empruntée de façon privilégiée, mais il arrive parfois que l’ancien comportement resurgisse à un moment ou un autre de la vie du chien, et nécessite de reprendre le travail de façon plus régulière pendant un temps. Globalement, la modification comportementale est un travail sur le long-terme avec des hauts et des bas, l’important étant que la courbe de progression globale continue d’augmenter. Il arrive parfois que cette courbe ralentisse et que l’on atteigne un palier mais ces situations sont rares et cela veut dire que le binôme a déjà tellement progressé qu’il atteint les limites du chien et/ou de l’humain et/ou de l’éducateur.
6. Conclusion
Maintenant que vous en savez plus sur la modification comportementale, voici ce que vous devez retenir :
- Plus la situation est prise en amont (et moins le chien s’est renforcé), meilleur sera le pronostique et plus rapides seront les progrès.
- Il est également possible, selon les problématiques (notamment les problématiques spécifiques liées à certaines races), de travailler en prévention, pour apprendre directement au chien les « bons comportements » plutôt que de devoir réécrire sur une page déjà marquée.
- Il est important de faire appel à un professionnel spécialisé pour modifier des comportements déjà ancrés, au risque de renforcer les comportements indésirables, renforcer les associations négatives ou abîmer le lien.
- Il est important que le propriétaire dispose des ressources nécessaires (disponibilité physique, émotionnelle et financière) pour pouvoir mettre en place un processus de modification comportementale de manière efficace.
- Le protocole doit permettre au propriétaire de disposer des notions et outils nécessaires pour mettre son chien en réussite et rester au maximum dans la zone de confort du chien.
- Le chien doit être renforcé avec des choses qu’il apprécie, qu’il s’agisse de nourriture, de jouets ou d’interactions. S’il n’est pas motivé à travailler, le travail sera ralenti.
- Pendant le processus de modification comportementale, le quotidien du binôme peut être amené à être modifié de façon plus ou moins importante, ce qui peut représenter une charge supplémentaire pour l’humain mais peut s’avérer nécessaire pour la progression du binôme.
- Plus le chien sera en réussite, plus l’apprentissage sera motivant, rapide et efficace.
- A l’inverse, en cas d’échec répété, la motivation du chien et de l’humain diminue et le chien continue de se sensibiliser.
- Si le protocole ne permet pas de mettre le chien et l’humain en réussite, alors il doit être réajusté.
- Il est parfois nécessaire ou utile de mettre en place une prise en charge globale de l’humain et du chien, ce qui peut amener à une collaboration avec d’autres professionnels canins ou pour le bien-être de l’humain.
- Le pronostique de la modification comportementale est généralement incertain car il dépend de nombreux facteurs. Quoi qu’il en soit, il sera bénéfique pour l’humain et le chien car permettra une meilleure compréhension de l’humain vis-à-vis des motivations et comportements de son chien, et au chien de mieux gérer la situation problématique du moment que l’on respecte sa zone de confort.
Votre chien a besoin d’une rééducation comportementale ?
